dimanche 30 juillet 2017

Perlimpinpin

Nouveau Président, nouveau discours – linguistiquement parlant bien sûr ? Oui et non. Oui, en ce sens que des termes et expressions tombés dans l'oubli sont revenus sur le devant de la scène. Non, dans la mesure où l'on n'est pas en présence de néologismes empreints de modernité. Voici un florilège ("recueil de morceaux choisis d'œuvres littéraires, en particulier de poésies" et, par extension, "sélection de choses remarquables") tiré du débat de l'entre-deux-tours de la dernière élection présidentielle.

Poudre de perlimpinpin

Voulant dénoncer l'éventail de mesures proposées par son adversaire pour endiguer le terrorisme, le futur Président les qualifie de poudre de perlimpinpin, remettant ainsi au goût du jour une expression fort ancienne. La poudre de perlimpinpin est un remède que vendaient les charlatans en le faisant passer pour un médicament miracle – ou une panacée - mais qui était en réalité totalement inefficace.

Galimatias

Toujours au cours du même débat, le candidat contredit à un moment la candidate en qualifiant son discours de galimatias. L'étymologie de ce terme, qui désigne un discours confus, inintelligible, est controversée. L'une des hypothèses fait dériver galimatias de ballimathia signifiant chanson obscène en bas latin. Mais cela n'est pas avéré. Autre hypothèse non moins pittoresque et qui remonte à une époque antérieure au 16ème siècle où les plaidoiries se faisaient en latin : un jeune avocat, qui défendait la cause de son client prénommé Matthias, dont le coq importunait le voisinage, le matin, aurait interverti deux mots dans sa phrase : au lieu de dire gallus Matthiæ ("le coq de Matthias"), il aurait déclaré galli Matthias ("le Matthias du coq"), ce qui aurait provoqué l’hilarité générale dans le tribunal – et de là serait né le terme galimatias (source : Wikipédia).

Antienne

Toujours lors ce singulier débat présidentiel, répondant à sa contradictrice qui énumérait toute une série d'organisations soutenant selon elle le futur Président, ce dernier lui rétorqua "continuez votre antienne…". Une antienne est un refrain à deux chœurs qui alternent les versets d'un psaume. Par extension, ce terme désigne la répétition continuelle et lassante de quelque chose. On aurait également pu employer le terme de litanie (suite de prières et, par extension, énumération longue et ennuyeuse) ou de rengaine (refrain populaire connu de tous et, par extension, paroles répétées à satiété).


Comme on le constate, ce nouveau Président – qui par ailleurs se veut jupitérien – redonne ses lettres de noblesse à des expressions de la langue française que certains d'entre nous avaient certainement oubliées.

mardi 25 juillet 2017

Parlons cash

La langue anglaise, elle, ne semble pas touchée par le Brexit. Au contraire, elle aurait même tendance à envahir de plus en plus le français, comme on va le voir dans les lignes qui suivent. Curieuse expression, par exemple, que celle-ci : "parler cash" ou même tout simplement "être cash". Cela me fait penser au "parler vrai" cher aux hommes politiques sur le point d'annoncer des hausses d'impôts … Mais pourquoi cash ? L'idée est celle d'un discours franc, direct, voire brutal où le locuteur ne va pas s'embarrasser de diplomatie. Comme dans le cas d'un paiement comptant, l'auteur d'un propos cash dévoile ses intentions sans filtre, alors qu'un propos plus diplomatique évoquerait plutôt un paiement à crédit qui ne produit tous ses effets qu'une fois arrivé à échéance.

Cash n'est que l'un des innombrables emprunts à l'anglais qui parsèment la langue française. Si un propos cash est le plus souvent oral, on peut aussi le trouver dans un mail ou un e-mail. Que celui qui n'a jamais utilisé ce terme jette la première arobase ! Pourtant différentes expressions bien françaises existent pour désigner le courrier électronique : par exemple le courriel que nous devons au génie de nos cousins canadiens francophones, lesquels ont également inventé le terme de pourriel pour désigner le spam ou courrier indésirable. Plus rarement, on rencontre polluriel. Quant à l'origine de mot spam, elle se trouverait dans un sketch des Monthy Python… Outre courriel, le terme de mél a également connu son heure de gloire : formé à partir des premières lettres de message électronique, le mél offre l'avantage d'avoir une prononciation très proche de mail. Et n'oublions pas l'étymologie bien française de mail : la malle poste !

Les TIC (Technologies de l'Information et de la Communication) regorgent de termes anglo-américains. Ainsi la digitalisation est très en vogue ces temps-ci dans le monde de l'entreprise. Nous savons pourtant qu'à l'adjectif anglais digital correspond numérique en français. Alors, pourquoi ne pas dire tout simplement numérisation ? Tout simplement parce que ce terme est déjà pris et désigne le fait de numériser un document au moyen d'un scanneur. Il existe pourtant d'autres solutions, comme par exemple transition numérique, voire révolution numérique pour les entreprises les plus ambitieuses. Il est hélas tellement plus facile de dire digitalisation que de faire l'effort d'utiliser une formule plus authentiquement française.

En 1964, René Étiemble publiait "Parlez-vous franglais", une charge sans concession contre la contamination de la langue française par l'anglais. C'était il y a plus d'un demi-siècle …

vendredi 21 juillet 2017

Le mot juste

S'il est un mot injustement maltraité dans la langue française, c'est bien le mot "juste".

Qui d'entre nous n'a pas frémi en entendant l'expression "c'est juste pas possible" ou bien "c'est juste incroyable" ? Cet emploi de l'adverbe juste – qui semble, une fois de plus, nous venir d'outre-Atlantique – est impropre.

Juste peut être un adverbe, un adjectif ou un substantif. Adverbe, juste véhicule l'idée d'absence de superflu. "La soupe est juste assez chaude" ; "le compte tombe juste"… C'est donc précisément le contraire du sens qu'on lui donne en disant, par exemple, "c'est juste génial". Dans tous ces cas où juste est abusivement utilisé pour renforcer un adjectif, il faudrait employer un autre adverbe tel que vraiment ou parfaitement. En résumé, l'expression "c'est juste trop bien", est parfaitement insupportable ! Dès lors, faut-il traduire en justice  ceux qui commettent une telle injustice à l'égard de notre langue ?

Quand juste est un adjectif, ses significations sont variées : un vêtement peut être trop juste, mais une décision peut également être juste. Plus généralement, juste est souvent le contraire de faux.

Quant au substantif, les justes sont des personnes d'une grande droiture morale, et plus particulièrement les Justes parmi les nations. Citons aussi la pièce de théâtre "Les Justes" d'Albert Camus. Ce que l'on sait moins, c'est qu'un juste désigne aussi une veste paysanne féminine du 18ème siècle.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur la justice, la justesse ou les justiciables, mais cela sera peut-être le sujet – anagramme de juste – d'un autre billet.

jeudi 20 juillet 2017

Verticalité versus co-construction

Il est beaucoup question, ces temps-ci, de verticalité. La verticalité qui nous intéresse, n'est pas celle de l'architecte ou du géomètre, mais celle que l'on rencontre dans le monde politique et institutionnel.

Cette verticalité renvoie à l'idée de hiérarchie où les décisions prises au sommet de la pyramide sont ensuite répercutées (et non pas cascadées, effroyable anglicisme souvent entendu dans le monde de l'entreprise) vers les niveaux inférieurs pour être exécutées. Cela correspond à ce que les anglophones qualifient d'approche "top down" et représente un modèle décisionnel des plus classiques. Appliquée à un mouvement ou un parti politique, la verticalité prend généralement la forme du caporalisme, où l'on attend de la part des membres un respect discipliné de l'autorité du chef, le petit doigt sur la couture du pantalon pour rester dans la métaphore militaire.

Mais le monde change et l'on cherche de plus en plus à associer la base aux mécanismes de décision. Sans vouloir remonter à Marx et Engels, la démocratie participative prônée par Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle de 2007 vise précisément à impliquer tous les citoyens dans les grands choix de société. De nos jours, les démarches horizontales, transverses ou transversales sont très en vogue.

Le concept qui a la faveur des partisans de l'horizontalité – par opposition à la verticalité – est celui de co-construction. Co-construire est le mot d'ordre de celles et ceux qui souhaitent voir tous les citoyens associés à la définition de la société de demain. Mais attention : vouloir construire à plusieurs sans architecte pour coordonner le chantier peut être risqué ; et l'architecte ne va-t-il pas rapidement revêtir les habits du chef et imprimer sa verticalité à l'équipe ?

mardi 18 juillet 2017

Sphères en tout genre

"Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère" dit Arletty dans le film Hôtel du Nord de Marcel Carné sorti en 1938. Nous savons tous ce qu'est l'atmosphère ; sans elle, pas de vie sur notre Terre.

Mais des sphères, on en rencontre beaucoup d'autres : hémisphère par exemple, ou encore planisphère ou stratosphère. Le point commun de toutes ces "sphères", c'est qu'elles relèvent du domaine scientifique.

Or, depuis quelque temps, les sphères investissent le champ du politique et des médias. Ainsi est-il souvent question de blogosphère pour désigner l'univers des blogs comme celui que vous êtes en train de lire. Cousine de la blogosphère, la twittosphère nous renvoie au monde Twitter avec ses innombrables twitteurs ou twittos.

Quant au concept de fachosphère – qu'on rencontre parfois aussi sous l'appellation de réacosphère - il désigne - de toute évidence sur un mode péjoratif - l'ensemble des expressions des mouvements d'extrême-droite dans les médias, sur les réseaux sociaux et plus généralement sur internet. Mais l'autre extrémité du paysage politique n'est pas en reste et forme ce que certains appellent la gauchosphère.

Plus récemment on a vu apparaître le terme de patriosphère qui réunit entre autres les nationalistes, les souverainistes et les militaristes se réclamant d'un patriotisme au parfum assez belliqueux.

Quand verrons-nous surgir une nouvelle sphère ? Pour le savoir, il faudrait pouvoir lire dans une sphère, pardon, une boule de cristal !